» La conscription est plus facile que dans beaucoup de départements, celle de 1807, si arbitrairement exécutée avait suscité la désobéissance; il avait été refusé à quelques uns la permission de se faire remplacer, il y avait eu des exemptions accordées par faveur, on disait même à prix d’argent. La conscription de 1808 a été levée plus facilement.
« Il importe surtout, si l’on veut maintenir le calme et l’obéissance, de ne pas prendre de mesures de police. Elles ne seraient point motivées. Les prêtres insoumis ne sont pour rien dans la désobéissance des conscrits. On m’a dit même que ,quand ils verront les fonctionnaires publics respectueux pour la religion et ses ministres, ils se soumettront et rentreront dans le clergé officiel.
« Il n’y a pas dans la région une seule personne en surveillance. Il ne reste de propriétaire que M. de La Rochejaquelein, frère du héros Vendéen et mari de Mme de Lescure, veuve d’un autre chef célèbre. Il est riche et on a voulu me donner quelques défiances de lui, mais il n’a pas pris part aux Guerres de Vendée. A cette époque, il était à Saint-Domingue, dans l’armée anglaise; il a peu de relations avec Paris et n’y va presque jamais. Il reçoit peu de monde dans sa demeure de Clisson. le château a été brûlé et détruit et il a rendu habitable un bâtiment d’exploitation. Il est aimé de tous ses voisins, et dans ses relations avec eux, il n’a pas de prétentions aristocratiques.
« L’administration me laissait beaucoup de temps libre. J’avais pour toute société les juges, les avocats et les notaires de la Bressuire. Je retrouvais dans le genre d’esprit et dans le dialecte , l’ancien caractère français. Je m’amusais à entendre raconter à table les histoires et répéter les plaisanteries de Rabelais dans les mêmes termes. Non pas qu’aucun de nos convives eut la moindre notion de Pantagruel ou des fabliaux, mais ces anecdotes ou ces facéties leur étaient arrivées par la tradition, et ils les rééditaient comme contemporaines. J’avais aussi fait la connaissance des principaux propriétaires de l’arrondissement. Je chassais avec eux. C’était leur grande affaire et, pour moi, une distraction à ma vie solitaire. »
» J’étais dans des rapports plus intimes avec M. et Mme de La Rochejaquelein:le château de Clisson est voisin de Bressuire; je les voyais souvent; je passais parfois quelques jours chez eux. Mme de Donissan, mère de Mme de la Rochejaquelein y recevait aussi. Il y eut bientôt pleine confiance des deux côtés… »
Mme de la Rochejaquelein (veuve du général vendéen de Lescure) qui venait de commencer ses mémoires, lui lut ce qu’elle avait déjà écrit jusqu’au passage de la Loire et Prosper de Barante lui proposa de l’achever et même de rédiger avec plus de style les premiers chapitres…
« Mon ouvrage achevé, écrivit-elle en 1815, j’ai eu l’occasion de le faire lire à quelques personnes de notre armée en qui j’ai confiance: elles ont relevé des erreurs, ajouté des faits qui pouvaient entrer dans mon cadre. Il fallait donc rédiger l’ouvrage…/… Je l’ai confié à M. Prosper de Barante; son amitié l’a fait consentir à se charger de le corriger en y conservant la grande simplicité qui seule convient à la vérité. La description du pays dans le 3ème chapitre est toute de lui. »
Au printemps de 1808,Prosper reçoit à Bressuire, la visite de son ami le marquis de Maleteste, conseiller au Parlement de Dijon, auteur de 2 ouvrages philosophiques publiés à Londres sous l’anonymat.
Son ami parti, l’ennui le ronge et il s’aperçoit que la seule chose qui vaille est l’affection, d’où recrudescence d’épitres à Mme de Staël et à Juliette Récamier .
Il part à Paris pour intriguer dans les antichambres des Tuileries afin d’obtenir un changement de résidence ou monter en grade.
L’aube de 1809 se drape pour lui de réalités heureuses, il apprend sa nomination à la préfecture de la Vendée.
Fin
Mme Bernadette Wirtz-Daviau, Les Amis du Vieux Bressuire, Bulletin N°6, année 1954-1955, p. 10-12.