Le département est l’une des créations révolutionnaires qui a traversé les siècles sans retouches. En ce qui concerne le Poitou, c’est par décrets 15 Janvier et 3 Février 1790 que fut décidée la division de la province en 3 départements, dont le département de Niort ou « intermédiaire du Poitou » qui devint celui des Deux-Sèvres le 4 Mars 1790.
Six districts le composaient. La désignation des chefs-lieux de département et de district entraîna d’âpres querelles, surtout pour le chef-lieu du département entre NIORT, SAINT-MAIXENT et PARTHENAY. Finalement NIORT eut la préférence et les districts étaient attribués à NIORT, MELLE, SAINT-MAIXENT, PARTHENAY, THOUARS et CHATILLON-SUR-SEVRE.
En ce qui concerne le district de CHATILLON, la lutte fut vive entre cette ville et BRESSUIRE. La Constituante, dans sa sagesse, attribua le district à CHATILLON et le tribunal civil à BRESSUIRE après les troubles d’aout 1792 (combats des Moulins de Cornet)(Loi du 4 Septembre1792).
Les Guerres de Vendée amenèrent la ruine de BRESSUIRE. Administrateurs et magistrats furent contraints à une vie errante: NIORT, PARTHENAY, AIRVAULT. Ainsi voit-on le commissaire du district louer une maison à AIRVAULT pour y installer le tribunal correctionnel. De même, le président du tribunal civil de BRESSUIRE, un Sieur GOURAUD, contracte mariage devant Maître BRANGER, notaire à BRESSUIRE mais réfugié à THENEZAY, et les futurs époux sont abrités à NEUVILLE près de POITIERS.
Le 14 MARS 1794, GRIGNON livre Bressuire aux flammes. Seules, l’église NOTRE DAME, la maison de Ville (actuelle cure) et quelques maisons particulières échappent à l’incendie. Tout le reste fut impitoyablement détruit.
Le Directoire supprime les districts et instaure les municipalités de canton. NIORT reçoit l’ensemble des juridictions des DEUX-SEVRES, sauf les juridictions mineures qui demeurent à BRESSUIRE et PARTHENAY.
BONAPARTE, en promulguant la Constitution de l’an VIII, devait donner aux départements le cadre administratif qu’ils ont conservé depuis.
L’Arrêté du 17 Ventôse an 8 (8 mai1800) créait pour le département des DEUX-SEVRES, une préfecture à NIORT et 4 Sous-préfectures: NIORT, MELLE, PARTHENAY ET THOUARS. Quatre tribunaux de 1ère instance étaient créés par la loi du 17 Ventôse an 8 (18 Mai 1800)NIORT, BRESSUIRE, MELLE et PARTHENAY.
On sait que le premier Préfet des DEUX-SEVRES fut Claude DUPIN. Celui-ci a laissé dans son Département un souvenir impérissable. Nommé par décret du 16 Ventôse an 8(6 mars 1800), cet ancien révolutiionnaire (il avait été secrétaire général du département de la Seine depuis 1793 et avait épousé la veuve de DANTON) saura comprendre les populations qu’il eut à administrer et aussi différentes les unes des autres que pouvaient l’être celles du MELLOIS et celles du BRESSUIRAIS, situées chacune aux antipodes de la pensée politique et religieuse. Toujours soucieux d’équité et de compréhension, il estimera la fidélité des Bressuirais à un idéal qu’il ne partage pas. Il sut aussi être un soutien constant des vicaires généraux de POITIERS dans le douloureux conflit opposant l’Eglise Romaine aux prêtres dissidents du Bressuirais et à leurs ouailles .
Le premier Sous-préfet de l’arrondissement de THOUARS fut Pierre REDON (Arrêté du 19 Germinal An 8 – 10 Avril 1800). Pierre Joseph REDON PUY-JOURDAIN était l’ancien procureur fiscal du duché pairie de THOUARS. Nommé juge de Paix du canton de THOUARS, il avait signé avec les Généraux Vendéens, le 5 Mai 1793, la capitulation de la ville.
On peut rapporter à son propos le jugement porté sur lui par le Chanoine Billaud dans son ouvrage sur la Petite Eglise :
« La contrée du Département la plus délicate à gouverner, le bocage Vendéen, relevait des Sous-préfets de THOUARS et PARTHENAY. IL eut fallu à ces 2 postes des fonctionnaires intelligents, doués d’un jugement très sûr et capables de s’élever au dessus de l’esprit de parti. Ce n’était pas le cas : P.Redon, ancien avocat, promu à la Sous-préfecture de THOUARS, se signalait surtout par son sectarisme anti-clérical. Le mépris qu’il affichait vis-à-vis des populations croyantes du Bressuirais ne pouvait qu’indisposer un clergé puissant et des administrés peu favorables à la République. »
La Sous-préfecture fut installée dans les anciens bâtiments de L’abbaye SAINT-LAON. C’est ce qui ressort d’une lettre adressée par le Préfet des DEUX-SEVRES le 27 Fructidor An 8 (15 Septembre 1801) relative au loyer de la maison ci-devant génovéfine : une partie est à l’usage de la Sous-préfecture. Avant la révolution,l’Abbaye SAINT-LAON était tenue par les Génovefains.
C’était une satisfaction pour les Thouarsais d’avoir pu recevoir la Sous-préfecture, satisfaction cependant mélangée d’amertume puisque le siège du Tribunal avait été donné à BRESSUIRE. Cette satisfaction devait durer peu de temps. En effet, la position de THOUARS fut jugée trop excentrique par rapport aux anciennes contrées insurgées du BRESSUIRAIS. Le problème posé par les prêtres de la Petite Eglise a dû peser dans la balance. Peut-être jugeait-on également que le Sous-préfet convenait mal à une région aussi profondément catholique ?
Charles MERLE; Vice-président de la Société Les Amis du Vieux Bressuire
Extrait de la Revue des Amis du Vieux Bressuire, N° 23, 1972.