Après avoir déclaré la guerre à l’Autriche en avril 1792, le gouvernement de la France doit faire face à une situation militaire catastrophique. Toutes les frontières sont menacées, les défaites se multiplient et la France déclare : « la patrie en danger ». Le 11 juillet, l’Assemblée nationale décide la levée de volontaires dans toute la France pour marcher contre l’ennemi.
C’est par un décret du 22 juillet que les administrateurs des Deux-Sèvres demandent aux municipalités du département de dresser deux listes, une avec le nom des enrôlés volontaires, l’autre avec le nom de ceux qui refusent « cet acte patriotique afin qu’on les connut bien ».
Quelques jours auparavant, le Conseil du département avait publié un autre décret contre les prêtres réfractaires. Des listes là encore devaient être dressées.
Cette guerre ouverte aux réfractaires et l’enrôlement presque forcé des bocains devaient mettre le feu aux poudres, d’autant plus que les esprits échauffés avaient provoqué, le 27 juillet, une altercation entre citadins et ruraux venus à la foire St Jacques, à Bressuire. Les premiers voulant contraindre les seconds à porter la cocarde tricolore.
Les jours suivants, l’excitation révolutionnaire provoqua le pillage des halles puis celui du couvent des religieuses de Saint François (Collège Notre Dame aujourd’hui) ce qui provoqua le départ précipité du maire Adrien Joseph DELOUCHE et sa suspension.
À ce contexte régional tendu, il faut ajouter les événements parisiens avec l’attaque des Tuileries le 10 août et l’arrestation de la famille royale. Mais la nouvelle était-elle déjà connue dans le bocage ?
Le dimanche 19 août, jour fixé pour les inscriptions sur les listes de volontaires, des paysans de plusieurs communes du canton de Moncoutant s’attroupent au chef-lieu. Très excités, armés de fourches, de faux et de fusils, ils saccagent la mairie et la maison de PUICHAUD, administrateur du département. Ils ont placé à leur tête Gabriel BAUDRY d’ASSON de Saint Marsault, ancien militaire de petite envergure, buveur, violent. Plus de 2 000 hommes s’organisent autour de lui, se dotent d’un drapeau , s’arment et arborent la cocarde blanche. DELOUCHE, l’ancien maire de Bressuire se trouve parmi eux.
Le 21 août, les insurgés toujours plus nombreux s’attaquent à la Forêt-sur-Sèvre où ils pillent les maisons des patriotes et celle du curé constitutionnel. De là, ils investissent Cerizay, puis le lendemain, Châtillon qui est attaquée par une troupe venue de tout le Bocage, rameutée par le tocsin. Les paysans insurgés attaquent là encore les maisons des patriotes, les maltraitent, brûlent les archives.
Lorsqu’elles voient arriver le détachement de la garde nationale de Cholet avec 85 hommes et une pièce de canon, les autorités châtillonnaises sont enfin soulagées. Malgré une vive altercation, la majeure partie des rebelles a réussi à s’échapper et poursuit sa marche sur Bressuire.
Cette colonne contre révolutionnaire se présente devant la ville dans la soirée du 22 août mais là, les gardes nationales de tout le département et même de Vendée, obtenues par les administrateurs, surprennent les paysans qui se précipitent dans une attaque aveugle et désordonnée contre eux. Mal organisés, mal équipés, ils sont repoussés avec perte du coté de la porte du Péré.
Pendant ce temps, à l’appel du tocsin, de nouveaux attroupements s’organisent dans les communes du bocage, aux Aubiers, à Nueil, Noirlieu, Chambroutet…. Sous les ordres de nobles locaux ou d’anciens officiers, ils convergent vers Bressuire et rejoignent les insurgés qui campent devant la ville. Une fusillade s’engage place Labâte pendant que d’autres s’en prennent à la porte du Péré. La croix de Terves est également contrôlée : Bressuire est assiégée.
Une tentative de négociations entre une délégation de la ville qui cherche à gagner du temps et les chefs des insurgés échoue.
Le lendemain, 24 août, BAUDRY d’ASSON prépare une nouvelle offensive du côté de Cornet afin d’attaquer la porte St Jacques, mais l’armée de secours tant attendue approche.
Elles est composée de deux compagnies de marine de Rochefort, de quatre compagnies de gardes nationales de Niort, de la Mothe-Saint-Heray, Saintt Maixent, et Parthenay. Face à ces détachements et à leurs canons, l’armée sans expérience de paysans est prise à revers et littéralement massacrée. Mercier du Rocher dans son ouvrage raconte qu’en arrivant à Bressuire le 25, il vit environ 100 cadavres sur le champ de bataille. Les différentes sources varient et donnent entre 300 et 600 rebelles tués, de nombreux blessés mais s’accordent sur la sauvagerie de la bataille qui durera plusieurs jours On envoya 58 prisonniers à Niort dont plusieurs furent condamnés à mort et exécutés en avril 1793. 40 furent libérés en février. BAUDRY d’ASSON ne fut pas pris et se cacha plusieurs mois.
Cette première bataille populaire et spontanée illustre bien la fracture qui a caractérisé la Révolution entre ville et campagne. Le manque d’ expérience militaire de ces paysans, comme le montre l’absence de concertation entre les différentes bandes qui assiègent Bressuire, les a menés au désastre.
Le retentissement de cette insurrection fut énorme et devint mythique. Les épisodes de lambeaux de corps humains et de chapelets d’oreilles brandis comme des trophées (cités par Bélisaire LEDAIN) font-elle partie de la légende noire des moulins de Cornet ? Le fait héroïque de DAVAND (DAVID) sergent des grenadiers de la garde nationale de Bressuire y contribue également. Blessé par une balle, il réussi à l’extraire de son corps avec son couteau, la remet dans son fusil et blesse à son tour un paysan insurgé.