You are currently viewing La justice à Bressuire des origines à nos jours
Tribunal de Bressuire actuel, dessin de Francis Saunier

La justice à Bressuire des origines à nos jours

La cour seigneuriale et le tribunal

(Article de Raymond Garand, paru dans la revue « les Amis du Vieux Bressuire », bulletin N°15, 1963-1964, p.21-41.)

Bressuire, après avoir été le siège d’une cour seigneuriale de justice, qui au témoignage de ceux qui l’ont étudiée, « dispensait une bonne et équitable justice », s’est vu attribuer un tribunal de première instance en l’an IV, maintenu et devenu tribunal de grande instance en décembre 1958 à la faveur de la réforme judiciaire.

C’est cette longue histoire judiciaire d’un des ressorts du pays de poitevin que nous nous proposons de résumer ici.

La Cour de justice baronniale de Bressuire

Sources

Disons liminairement que les titres judiciaires de la baronnie de Bressuire conservés à Niort aux archives départementales sous la rubrique « chartrier de Saint-Loup », sont considérables et susceptibles de constituer une mine de documents pour les juristes, les historiens et, en tout premier lieu, pour les historiens du droit.

En effet, à titre statistique, les titres judiciaires totalisent quelques 19 025 feuillets, carton ou parchemin, et les titres de propriété, dont avait à connaître la cour, apparaissent aussi volumineux.

Ces archives, fort importantes, s’amassèrent au château de Bressuire, où elles étaient conservées dans « la tour du Trésor » maintenue sous voûte et sous couverture, alors que le château tombait par ailleurs en ruine. Elle restèrent ainsi au trésor jusqu’à la veille de la Révolution, époque à laquelle Jean D’Abbadie président à mortier au parlement de Navarre, dernier seigneur de Bressuire, en même temps que seigneur de Saint-Loup-sur-Thouet, les fit transférer à Saint-Loup où elles demeurèrent sous le nom général de « chartrier de Saint-Loup » jusqu’en 1894, époque de la mise en vente du château de Saint-Loup. Acquises par un libraire de Paris, elles faillirent être dilapidées, mais furent heureusement récupérées par l’administration du département des Deux-Sèvres où elles sont désormais en sûreté.

La Cour de justice

Ses origines

Elles se perdent dans la nuit des temps.

Nous savons par les plus anciens registres judiciaires existant, allant de 1366 à 1381 (ADDS – E. 1664 – E. 1690) qu’en ce milieu du 14e siècle la Cour avait atteint son état de fonctionnement normal, sensiblement le même qu’au siècle suivant où nous nous placerons pour décrire l’organisation judiciaire de cette cour de justice seigneuriale.

On sait positivement, mais sans plus de détail alors sur le monument et ses seigneurs, que le château de Bressuire, affirmation d’une puissance féodale naissance (et appelée à une réelle importance) existait dès l’an 1029. À cette époque, en suivant Marcel Garaud, historien du droit, nous apprenons que la justice des grands feudataires se fragmente entre les mains de leurs vassaux, que partant « les justices Seigneuriales sont en voie de formation et que leur fonctionnement est essentiellement irrégulier », cependant qu’on « constate, dès la fin du 11e siècle, chez quelques vassaux du comte de Poitou, en même temps que chez le suzerain, la présence d’un juge délégué, d’un sénéchal pourvu d’attributions judiciaires et chargé de tenir la Cour de justice en l’absence du Seigneur ». Cette institution existait notamment dans le vicomté de Thouars.

Comme Bressuire, après les ombres de la préhistoire, rentre vraiment dans l’histoire en cette fin du 11e siècle où apparaît le premier seigneur connu (Thibault 1er de Beaumont) à l’occasion d’une importante fondation (celle de l’église Notre-Dame) nous inclinons à conclure que la Cour de justice de Bressuire est peut-être organisée dès cette fin du 11e siècle au cours duquel elle aurait été en gestation. Ce n’est là qu’une hypothèse, et à supposer que Bressuire fut parmi les fiefs les plus rapidement organisés.

Organisation et fonctionnement de la Cour de justice seigneuriale.

Notons dès l’abord que si le roi était représenté à Poitiers par son sénéchal l’autorité royale, loin d’être partout affermie, se voyait contestée en Poitou par les grands seigneurs du pays ; d’autre part, les coutumes féodales ne permettaient pas au suzerain immédiat d’intervenir sans raison très grave, dans les domaines de ses vassaux ; seule l’autorité locale pouvait essayer efficacement dans ses circonstances défavorables, d’apaiser les querelles, de trancher les litiges, d’assurer à tous la sécurité, de maintenir l’ordre établi et l’ordre tout court.

Elle n’y manquait pas, et il faut observer en ce qui concerne la cour de Bressuire, avec une certaine souplesse, puisqu’aussi bien à côté de son rôle contentieux et gracieux la Cour de justice exerçait un pouvoir réglementaire et administratif parfaitement adapté aux circonstances, alors que le bon sens gaulois n’avait pas encore reculé devant l’esprit cartésien.

L’autorité du Seigneur était exercée par les officiers nommés par lui ou par les principaux de ses vassaux, puisqu’aussi bien dans la baronnie de Bressuire, relevant à hommage-lige de la vicomté de Thouars (qui relevait elle-même du comté du Poitou) 7 seigneurs sont haut- justiciers, 3 moyens-justiciers, 34 bas-justiciers et 13 détenteurs de la simple juridiction foncière.

Le ressort de la Cour de Bressuire proprement dite comportait 10 bailliages qui correspondaient sensiblement aux paroisses du même nom.

Les juges

Le Seigneur baron de Bressuire déléguait son pouvoir de justice à deux juges : le sénéchal et le châtelain dont l’un était hiérarchiquement supérieur à l’autre. Le sénéchal toujours licencié ès-lois et qualifié « d’honorable homme et sage » préside les grandes assises qui connaissent des causes qui intéressent les nobles. Le châtelain préside aux assises et aux plaids. L’un et l’autre peuvent se faire suppléer par des lieutenants qui ont les mêmes pouvoirs que le délégateur.

D’après la coutume du Poitou, en effet, chaque « seigneur chastellain », c’est-à-dire haut justicier, peut tenir deux sortes d’assises : les grandes et les petites.

Le procureur général

Près de la cour siège un représentant du Seigneur, le procureur général, assisté d’un substitut, chargé :

  • de faire valoir en justice les droits et intérêts du seigneur (domaine privé, banalités de four et moulin, redevances et droits fiscaux, dîmes et bians, aveux et dénombrements),
  • de défendre l’intérêt commun de la société en exerçant des poursuites contre ceux qui faillissent à leur contribution à l’intérêt commun (entretien des routes par les riverains, entretien des halles par les marchands) et en exerçant une surveillance sur tous les actes concernant les incapables,
  • de défendre l’ordre et la moralité publics (poursuite contre les malfaiteurs, les ,les tenants de jeux de hasard, vérification des capacités de ceux qui usaient du fait de médecine et de chirurgie,
  • de veiller au bon ordre économique en tenant la main à l’exécution des ordonnances elles-mêmes promulguées par la Cour.

Ainsi « quand la Cour avait connaissance de fraudes répétées, le châtelain faisait comparaître tous les représentants du corps du métier, leur enjoignait d’observer, sous peine d’amende, les ordonnances autrefois faites » et aux besoins y ajouter de nouvelles réglementations.

Le greffier

Placé hiérarchiquement au-dessous du juge et du procureur, le greffier dont la charge s’affermait avait à la cour de nombreuses attributions : consignation sur les registres des « appointements » ou des sentences, audition des témoins, conservation des « protécolles », actes et minutes qui touchaient à la cour, délivrance aux parties sur leur demande, des minutes des jugements, inventaires des biens des mineurs, possibilité de percevoir à la place du receveur, les amendes payées séance tenante.

Enfin, il avait faculté « d’accorder l’article des parties dans l’intervalle des sessions ».

Il arrivait, ou bien que le greffier cumulât les charges de greffe et de sceau aux contrats ou bien que les deux charges fussent affermées distinctement.

Les sergents

Les sergents ou nombre de un par bailliage remplissaient la fonction d’huissier et maintenaient l’ordre : leur office ne tarda pas devenir un fief héréditaire dit « fief de sergentize ».

Les notaires

Venaient enfin les notaires tabellions qui procédaient aux enquêtes, et authentifiaient les contrats.

Les compaings

Il convient de noter que le juge était assisté de conseillers avec voix consultative dit les compaings de la cour.

Sessions

Elles étaient au nombre de trois : il y avait les grandes et petites assises prévues par la coutume et qui duraient de 4 à 5 jours tous les mois, puis les plaids moins solennels et plus fréquents qui avaient lieu le jeudi jour de marché.

La cour, d’abord itinérante, finit par se fixer au 15e siècle en un lieu accoutumé sis près des Halles. Cet aveu du seigneur de Bressuire à son suzerain « item mes halles dudit Bressuire, ainsy qu’elles se poursuivent et comportent, au bout lesquelles est le parquet et auditoire, où je fais rendre ma justice ».

Ainsi, en 1379, les assises de la châtellenie de Bressuire, sont tenues par Geoffroy Jouaut châtelain « le premier jour en laditeville, le deuxième jour à la Faubertière, paroisse de Nueil-sous-les-Aubiers, le troisième jour en l’hébergement de bois Raoul en la paroisse de Saint-Aubin-du-Plain et le dernier jour en ce même village ».

Lieux divers où se sont tenus en 1392 les assises : en la ville de Largeasse près de l’église du lieu, en un verger appelé les Chabiraudières au village de la Limosinière même paroisse et en l’hôtel de Pierre Mimault, au village la Raitière et en un maserit appelé la louerie paroisse de Courlay sur la chaussée de l’étang Perrot Boquin, du côté du village de bois Richard. 

Activités de la juridiction

Nous pouvons-nous faire une idée du fonctionnement de la justice en passant en revue, certains sommaires assez caractéristiques des affaires qui lui étaient soumises.

Procédure

Fin du 14e siècle, requête de Nicolas de Brachechien contre la poursuite à lui intentée devant le châtelain de Bressuire, pour fief non baillé, tendant à être renvoyé aux grandes assises, parce qu’il est noble et de noble gouvernement (1392).

Renvoi devant le sénéchal de Poitou de la cause de Macé Esquot contre Pierre Soutier en vertu d’une lettre d’évocation exhibée à la cour par le défendeur – 1493 (ADDS, E. 1658)

Limites de la juridiction

Le curé de Cirières contre Jean Roy. Le procureur du seigneur de Cirières réclame la connaissance de cette cause, ledit Jean étant homme sujet, levant et couchant en icelle seigneurie. Le curé réplique que l’assise de Cirières « ne tient comme point et qu’il serait en aventure de jamais ne voir la fin de sa cause et d’être immortelle », la cour renvoie l’affaire au Seigneur de Cirières à qui elle enjoint de tenir son assise 4 fois l’an, se réservant d’évoquer l’affaire si la dite assise n’est pas tenue pendant l’année courante – 1437 (ADDS, E. 1679)

Frais de justice

Taxation des dépenses auxquelles a été condamné Marquis Robin envers le curé de Chanteloup pour le salaire de l’avocat et conseil du curé qui fut avec lui et déclara sa demande 5 sols ; pour le procureur qui occupa pour lui trois sols, 4 deniers, pour le clerc qui écrivit le bref acte 5 sols, pour le registre dudit jour, en marque, rôle et écriture 12 deniers pour le conseil qui fit et minuta la sentence 10 sols ; pour le clerc qui écrivit ladite minute 5 sols ; pour le greffier qui grossoya la dite sentence et pour la marque et collation 5 sols ; pour le scel de la dite sentence 5 sols ; pour le conseil qui a noté cette déclaration de dépenses 10 sols ; « pour tous mon dit seigneur qui tauxerez ces présents dépenses ce qu’il vous plaira ». 1459 (ADDS, E.1685)

Serment décisoire et serment supplétoire

Condamnation de Mery Millot escardeur de laine à payer à Macé Desbaux 14 sols et 2 deniers pour certaines besognes de son métier, le dit Millot, après avoir nié sa dette, lui ayant seulement donné un gros de Milan reconnu faux, ayant refusé de prêter le serment judiciaire qu’on lui déférait et voulu seulement prêter un serment de crédulité.

Le procureur contre Jean de Beaumont chevalier pour avoir tenu assises aux fiefs d’Orbigny, Marnilleau et de la Martinière, pour avoir connu de plusieurs cas criminels, jugés gens à mort, levé un homme mort audit fief Marnilleau, fait plusieurs cas touchant haute justice et battu les sergents de Monseigneur. 1376 (E. 1690)

Commandement à Jean de Montormoys, seigneur de Saint-Marsault de remettre aux mains du Seigneur de la cour, avec les charges et l’informations qu’il peut avoir faites, un certain Guillaume Girault, qu’il retient depuis longtemps, dit-on, en sa prison de Saint-Marsault, sans le vouloir entendre ni juger, lui faisant exercer violence et sans tenir compte de l’appel dudit Girault à la cour de justice. 1449 (E.1700)

Il convient de noter ici, la tendance de certains vassaux à empiéter sur la juridiction du seigneur ou de leurs voisins, d’où la nécessité pour la cour de veiller avec vigilance sur la délimitation de son ressort et celui des juridictions inférieures.

A noter aussi que certaines causes relevaient des tribunaux ecclésiastiques, officialité ou tribunal du doyen de Bressuire.

« Défense à peine de 500 livres d’amende à Jacques Rapoyn, prêtre, vicaire du doyen de Bressuire, de connaître à sa cour d’aucunes actions ou matières réelles et qui touchent réalité, et ordre au même en ce qui touche sa juridiction ecclésiastique et les quatre sièges où il exerce chaque semaine Bressuire, Airvault, Argenton-Château, La Forêt-sur-Sèvre, d’assigner désormais les parties au siège le plus proche de leur domicile et non à autre 1465 (E.1701)

Cause criminelle

Jugement condamnant Jean Soteau dit Caen de Terves à être pendu et étranglé au gibet et fourches pastibulaires de Bressuire pour deux viols commis sur les personnes de Huguette Sapin et Jeanne Billaud

Sorcellerie

Jugement condamnant à être brûlée André Garraude de Noirlieu, âgé de 61 ans, détenue en prison de Bressuire, pour crime de sortilège, reconnaissance être donnée au diable il y a 4 ans dans un esprit de vengeance et par « un vœu de cire » avoir frappé de maladie de langueur le vicaire de la paroisse et le valet du Seigneur, et ayant rendu « toutes croches » les mains de ce dernier.

Aujourd’hui 21e jour de septembre l’on susdit la sentence susdite a été mise à exécution et a été ladite Garraude bruslée et avant Icelle exécution à esté chargé les dites femmes et Pilet dessus nommés en sa première confession 1475. (E. 1702)

Vol

Jugement condamnant André Goyon de Coulonges-Thouarsais, détenu pour vol d’un manteau et d’une cognée à être mis à l’échelle en plein marché de Bressuire pendant 1h environ et à aller ensuite en voyage à Sainte-Catherine de Fierbois d’où il devra rapporter un certificat du curé ou gouverneur de l’église dudit lieu constatant qu’il a fait et accompli le dit voyage (1387 E. 1694)

Homicide par imprudence

Le procureur contre André Reveau et sa femme de Terves pour la mort de leur fille tuée par la chute d’un ponton d’arche a feis, lequel n’était pas bien apouhé : « les accusés sont condamnés pour pénitence à aller en voyage à Notre-Dame de Beauchêne et à Notre-Dame-du-puy, attendu qu’ils aimaient leur enfant du parfait amour et que jamais ils ne l’auraient voulu mettre à mort ». (E. 1665)

Santé publique et interdiction de séjour

Jugement prononçant le bannissement d’Étienne Martin médecin, et lui faisant sous peine de mort, défense d’exercer la chirurgie et la médecine dans l’intérieur de la seigneurie. Le sénéchal de Bressuire agissant comme lieutenant du sénéchal du Poitou étend la sentence à tout le pays du Poitou (1450 E. 1700)

Blasphème

Amende à Jean Cornu de la Roche Micheau pour avoir juré le sans Dieu et autres serments énormes. (1458 E. 1684)

Outrage à magistrat

Amende de 20 sols à Jean Garant pour avoir dit à la cour que ce de quoi le procureur le poursuivait n’était que raffarderies et que le jugement fait contre lui œuvre de diable. (1416 E.1727)

Jeux de hasard

Défense aux habitants de Bressuire à peine de 60 sols de jouer aux cartes ni autre jeu du sort (1447 E. 1650)

Contrôle corporatif

Le procureur contre Thomas Bariteau, boucher, qui quoiqu’il ne soit pas homme procréé, issu et né de bouchers anciens de la boucherie de Bressuire, mais qu’il se soit fait et constitué boucher par faveur et importunité s’est cependant permis de tuer vaches et taures en la halle de boucherie, les a exposées est mises en vente au même banc que les bœufs, contrairement aux ordonnances qui prescrivent aux bouchers de ne tuer au contraire, en leur maison, les vaches, taures et autres menus bêtes et de les apporter par quartiers à ladite halle et pour éviter les fraudes de ne les point mettre au même banc où ils exposent la viande de bœuf. (1446 E.1650)

Ordre au panetier de faire dorénavant une miche de seigle ou fouasse à un blanc, choale à deux blancs et maille, selon la qualité et la valeur de blé et défense à tous ceux qui ne sont pas d’ancienneté, pannetiersr, de faire choale ni fouasse. (1433 E. 1648)

Outrage public à la pudeur tentative punissable

Jugement condamnant André Desayvre qui la nuit de Noël 1430 à heure de matines à l’église de Moncoutant, tenta mais inutilement, de violer Agnès Pirelle à faire amende honorable à la dite : « …le dit Desayvre à issue de messe par devant la maison Geoffroy marchant à Moncoutant en présence des parents et amis de la dite Pirelle et des autres qui afflueront, à la dite messe requerra pardon à la dite Agnès en la priant qu’elle lui veuille pardonner, laquelle lui pardonnera et il lui promettra que jamais il ne lui forsfera et que tout le bien et l’honneur qu’il pourra, qui lui porchassera à son pouvoir et elle semblablement à lui et obstant seront bons amis. (1341 E.1678)

Délai de grâce et lettres royaux

Entérinement par devant ses créanciers Jannin Vaucorne et Etienne Maillant des lettres royaux du 3 septembre 1427 accordant répit d’un an à Pierre Desmons pour le paiement de ses dettes. (1427 E. 1647)

Appel au Parlement

Fragment des articles bâillés au Parlement par le Conseil du seigneur de Bressuire tendant à faire rejeter la demande introduite par Simon Rousseau. Ses biens ayant été saisis pour  estage non fait, au lieu d’en requérir la délivrance au dit seigneur de Bressuire ou à son sénéchal comme il le devait, puisqu’il est gentilhomme, il s’est adressé au châtelain et qui ne pouvait connaître de sa cause et s’est ensuite follement et mauvaisement applégé de refus de droit par devant le sénéchal de Poitou puis le Parlement. (1452 E.1751)

Décadence de la justice seigneuriale

Les espèces ci-dessus passées en revue sont pour la plupart du 15e siècle, époque où le seigneur de Bressuire était l’illustre Jacques de Beaumont, conseiller et ami de Louis XI. Les guerres de religion vont porter un coup très dur à la ville et baronnie de Bressuire qui va tomber en sommeil jusqu’à la Révolution. La Cour de justice paraît avoir suivi ce mouvement de décadence si l’on en juge par ce singulier procès-verbal de 1693 dressé par René Bodin, procureur fiscal de Bressuire contre Guy Gourdon de Bois Norbert, Sénéchal ayant cessé de tenir ses audiences, dans l’intention de détruire entièrement la juridiction du lieu, le procureur fiscal pour obvier à la ruine de la juridiction, s’est immiscé à l’exercer comme autrefois. Il a demandé René Morin, greffier, pour faire l’ouverture du palais, lequel a répondu qu’il ne voulait plus faire l’exercice de greffier, assisté de Michel Delaveau, procureur et notaire pour remplacer le dit greffier et de Jacques Jandonnet, notaire est procureur, pour remplacer Guyon procureur fiscal, René Bodin a fait ouvrir par un serrurier les portes du palais puis a fait prévenir les procureurs de la juridiction qu’il était prêt à tenir audience, mais tous à la sollicitation de Guyon, « placé au pied de l’échelle du palais » ont refusé de monter et de plaider. (E.1751)

Voir aussi cette lettre de l’intendant de Poitiers : « les juges de Bressuire ont mal à propos délaissé au juge royal de Poitiers la connaissance du délit (en réalité un crime) dont il s’agissait sous prétexte que l’assassinat prémédité était un cas royal » il a été prouvé par la jurisprudence de tous les parlements du royaume que les juges seigneuriaux ont connu de tout temps des meurtres même de ceux faits avec préméditation.

Il est aujourd’hui très certain que ces sortes de délits doivent être poursuivis dans les juridictions seigneuriales et aux frais des seigneurs hauts-justiciers. (1741 E. 1751)

Période révolutionnaire

Si nous nous reportons à Bélisaire Ledain et à la deuxième partie de son histoire de Bressuire nous lisons au début de cette deuxième partie : « dans les nouvelles divisions administratives décrétées par l’Assemblée Constituante en 1790, la part de la ville de Bressuire fut assez mince puisqu’elle ne réussit pas à obtenir la faveur d’être compté au nombre des 6 chefs-lieux de district créés primitivement dans le département des Deux-Sèvres, on lui préféra Châtillon, mais on lui accorda une certaine compensation en y établissant le siège du tribunal civil (décret du 16 11 90). Ainsi la continuité judiciaire était assurée une première fois à Bressuire à l’occasion d’une réforme d’importance, nous verrons qu’elle ne devait pas se démentir par la suite. 

Ce tribunal fut saisi d’un procès passionné contre Delouche, avoué près ce tribunal et maire de Bressuire en cette époque troublée, procès politique intenté par Gougeard ci-devant officier municipal promu accusateur public, et instruit par Beria juge rapporteur : Delouche et ses co-accusés interjetèrent appel au tribunal de La Châtaigneraie (sans doute en raison de l’appel circulaire) qui les relaxa.

Bressuire va bientôt, dès 1793, se trouver au centre des gigantesques guerres de Vendée dont il deviendra un enjeu âprement discuté ; prise et reprise par les deux parties en présence : blancs et bleus, la ville au lendemain des troubles n’est plus qu’un monceau de ruines, hantée par quelques rares habitants, ruines qu’une administration diligente sous l’impulsion de Dupin, préfet, puis de Barante, sous-préfet s’efforce de ranimer heureusement.

Période moderne et contemporaine 

Local provisoire

Nous avons eu l’exceptionnelle fortune pour la continuité de notre histoire judiciaire locale, de consulter un document à nous communiqué par Charles Merle, greffier en chef du tribunal de Bressuire et consistant en un « sou seing entre le citoyen Pavin et à Charbonneau pour la maison du tribunal ».

Cette pièce, datée du 2 prairial an 4 de la République française une et indivisible, consiste en un bail passé à Airvault entre le citoyen Pavin, bailleur, et le sieur Charbonneau, commissaire du Directoire exécutif spécialement autorisé par la-dite administration à cet effet.

Par la-dite convention le sieur Pavin « baille et loue pour le temps que le tribunal de police correctionnelle établi à Bressuire siègera en cette commune avec faculté, néanmoins, de résilier le présent bail tous les ans à l’effet d’habiter soi-même la maison ci-après en prévenant trois mois d’avance, audit André Charbonneau, pour la tenue des séances du dit tribunal et le placement de son greffe, registres et papiers, savoir une maison à moi appartement située sur la place d’Armes de cette commune avec toutes ses appartenances et dépendances… le présent bail fait, en outre à la charge… de payer pour chaque année la somme de 240 livres en valeur fixe de 1790 lequel prix sera payé audit Pavin par quartier suivant l’état des dépenses qui sera fourni par chaque trimestre pour l’ensemble du dit tribunal ».

De cette pièce intéressante à bien des points, il ressort que le tribunal de Bressuire siège de l’an 4 à l’an 6 à Airvault, faute d’avoir pu trouver, selon toute vraisemblance, un local décent à Bressuire même, incendié et dévasté par les guerres de Vendée.

On ne saurait s’en étonner autrement, si l’on se rappelle, d’une part qu’en pleine crise, le 13 février 1794 les autorités constituées s’était réfugiées à Airvault, d’autre part, que même en l’an 1807, Barante arrivant à Bressuire écrivait : « je fus consterné à l’aspect de ces maisons en ruines, ou végétaient le lierre et les orties. De distance en distance s’élevaient des cahutes bâties avec des débris. Je suivais une rue sans voir une maison. La première que je vis était celle où je devais descendre, la demeure du receveur de l’arrondissement.

Installation du tribunal et de la prison dans l’ancien presbytère de Notre-Dame

Nous arrivons à l’an 6 ou prend corps un projet devant avoir pour effet d’installer tribunal et prison dans l’ancien presbytère Notre-Dame de Bressuire qui était situé face à ladite église et au sud d’icelle.

A cette époque est établi un devis estimatif des ouvrages de maçonnerie, charpente, couverture, menuiserie, serrurerie et vitrerie à faire aussi au ci-devant presbytère de Bressuire pour l’établissement du tribunal de police correctionnelle et de la maison d’arrêt du 3e arrondissement du département des Deux-Sèvres.

Le 7 brumaire an 10 de la République française une et indivisible, nous relevons ce procès-verbal de transport ainsi libellé :

« Nous André Philippe Melon maire de Bressuire, en conformité des ordres donnés par le sous-préfet de Thouars suivant sa lettre du 2 vendémiaire an 9, sommes avec le citoyen Pierre-Jean Guérin, président du tribunal de première instance de Bressuire et le citoyen Auguste Picard, charpentier, entrepreneur de bâtiment en cette ville, transportés au lieu où est établi le dit tribunal à l’effet de constater des augmentations qu’il est nécessaire de faire à ce local tant pour la tenue des audiences que pour l’espace suffisant à tenir le peuple.

Un devis est établi pour la somme de 1 030 francs 55.

Inconvénients

Les locaux dont il s’agit, abritant à la fois le tribunal et la prison, ne paraissent pas avoir donné satisfaction si l’on en juge par cette lettre du procureur du Roi, André, au sous-préfet de Bressuire le 10 janvier 1833.

Notons ici que suivant décret de 1805, la sous-préfecture du nord du département des Deux-Sèvres avait été transférée de Thouars à Bressuire, centre de l’ancien pays insurgé ; Bressuire gagnait sur les deux tableaux tribunal et sous-préfecture.

Voici la lettre dont il vient d’être parlé dans sa teneur exacte :

« M. le préfet,

Le parquet se trouve au-dessus d’une salle des détenus qui n’est qu’imparfaitement plafonnée ; il en résulte que les miasmes putrides, la chaleur concentrée et la fumée, inconvénient insupportable des réunions d’hommes dans ces sortes de lieu, pendant la saison rigoureuse, monte et se répandent dans le parquet. Un plafonnage complet est indispensable ; je vous prie de vouloir bien le faire ordonner.

Je suis avec une considération distinguée monsieur le sous-préfet, votre très humble est très obéissant serviteur.

Le procureur du Roi, André ».

Et voici la suite donnée à la requête ; selon lettre du Préfet des Deux-Sèvres au sous-préfet de Bressuire en date du 17 janvier 1833 :

« J’ai donné des ordres pour que les réparations demandées par le procureur du roi de Bressuire fussent exécutées et l’architecte du département m’a prévenu qu’il s’en occuperait aussitôt que la saison le permettra.

Veuillez en instruire M. André »

Nouveau palais de justice

L’incommodité des locaux du Palais de Justice, s’avérant grandissante, amène une délibération des membres du tribunal en date du 9 août 1853 en vue de la construction d’un nouveau palais de justice, délibération où il est dit notamment :

« Monsieur Béra substitut du procureur impérial a exposé que Monsieur le Procureur général, lors de la visite qu’il a fait au Palais de Justice de Bressuire, le 28 juillet dernier, a été frappé de l’insuffisance du local, de son délabrement et des inconvénients de sa situation au-dessus de la maison d’arrêt. Il demande donc que le tribunal, dans une délibération spéciale, exprime à Monsieur le Préfet et à Messieurs les membres du conseil général, le désir qu’il soit alloué sur les fonds du département, une somme suffisante pour commencer dès la campagne prochaine, la construction d’un nouveau palais de justice ».

« Sur quoi, délibérant, le tribunal :

Attendu que le palais de justice actuel établit provisoirement en 1804 conjointement avec la maison d’arrêt, dans le local de l’ancien presbytère à, de tout temps, était jugé insuffisant et d’une incommodité si frappante que l’espoir, dans l’avenir prochain de la construction d’un bâtiment mieux approprié à sa destination à pu seul en faire supporter le vice jusqu’à ce moment, mais que les détériorations amenées par le temps ont rendu le local actuel tout à fait intolérable, surtout pendant la saison d’hiver ».

Suivent différents griefs relatifs aux cheminées qui fument, aux croisées disjointes, à la concentration des détenus sous le palais lui-même avec cette circonstance aggravante que « les détenus ont souvent entendu les discussions qui s’y traitaient et parfois les ont parodiées ».

Finalement la délibération arrête : qu’il est de la dernière urgence… « qu’il soit pris des mesures pour la construction immédiate d’un nouveau palais de justice, sur l’emplacement qui vient d’être acquis à cet effet par le département ».

Après des travaux de sondage qui révélèrent des difficultés pour les fondations, la construction du palais fut adjugée le 11 août 1859 à l’entrepreneur François Gravat, qui dû verser une caution tant en espèces qu’en immeubles, le montant des dépenses autorisées pour le palais de justice de Bressuire par le conseil général dans sa délibération du 30 août 1862 étant de 86 863,33 francs

Suivant lettre au président en date à Niort du 9 septembre 1861 le préfet informait le président du tribunal de Bressuire que « Messieurs les membres du tribunal de Bressuire pourront siéger dans le nouveau palais de justice à la rentrée prochaine ». Cette prévision dut se vérifier car le 6 janvier 1863 « l’architecte soussigné déclare que la réception définitive des travaux pour la construction d’un palais de justice à Bressuire a été faite en décembre dernier, que le délai de garantie pour les dits travaux est expiré du 3 novembre 1862 et qu’il y a lieu de à l’autoriser à retirer son cautionnement ». Aussi par arrêt du même jour « main levé définitive a été donnée au sieur Gravat François, entrepreneur de la construction du tribunal de Bressuire ».

Bressuire était désormais pourvu d’un palais de justice et d’une prison cellulaire remarquable communiquant avec un couloir souterrain voûté.

L’ancien local désaffecté fut attribué sur 2e adjudication un sieur Robuchon, le 21 octobre 1866.

Selon une tradition, au sens très juridique du terme, les propriétaires de l’immeuble numéro 6 de la rue Jean Jaurès transmettent la clé de l’ancienne prison aux acquéreurs successifs.

Période contemporaine

Divers aménagements furent rapportés au Palais depuis sa construction, les dernières en date de 1961 à 1963 inspirés par Messieurs Montagne, président et Poupard procureur, ayant eu principalement pour objet la remise en état de la salle d’audience très heureusement restaurée et l’aménagement du rez-de-chaussée en vue dit loger le tribunal d’instance d’arrondissement institué en 1958 à la place des justices de paix cantonales, cependant que l’ancien tribunal de première instance de Bressuire heureusement maintenu, devenait le tribunal de grande instance de Bressuire, décision parfaitement justifiée eu égard à la configuration du département des Deux-Sèvres qui postule l’existence de deux tribunaux de grande instance, l’un au sud à Niort pour les arrondissements de Niort et Melle, l’autre au nord à Bressuire pour les arrondissements de Bressuire et de Parthenay, dans l’importante population milite également en faveur de l’existence d’un tel tribunal.

Précisons que le tribunal civil de Bressuire connut une suppression passagère à la suite des décrets Poincaré de 1926 créant l’institution discutée et discutable du tribunal départemental.

Bressuire, rétabli en septembre 1930, se vit rattacher le tribunal de Parthenay, tandis que Niort se voyait rattacher le tribunal de Melle.

Lors d’une partielle réforme judiciaire de 1954, Parthenay fut détaché de Bressuire pour être réuni à Niort selon une répartition irrationnelle, Niort régnant sur trois arrondissements Bressuire sur un seul.

La réforme judiciaire de 1958 a rétabli l’harmonie en attribuant deux arrondissements au tribunal de Bressuire et deux arrondissements au tribunal de Niort.

Précisons aussi que d’importants travaux extérieurs se poursuivent au palais de justice de Bressuire ayant pour objet toute la reprise de l’appareil en pierre de taille de la partie postérieure du bâtiment, dans le respect de sa conception première mais en matériaux de meilleure qualité ; pierre de Chauvigny à la place du tuffeau friable.

CONCLUSION Ainsi Bressuire depuis le Moyen-âge jusqu’à nos jours sauf légère éclipse de 1926 à 1930 peut s’honorer à juste titre d’une parfaite continuité judiciaire avec l’implantation successive sur son sol des institutions du 3e pouvoir, régulateur des deux autres et celui qui incarne l’indépe