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Façade Ouest de la chapelle Saint-Cyprien de Bressuire (Cliché Monumentum)

Saint-Cyprien

Origines

Au Xe siècle, le Vicomte de Thouars fonda une église modeste qu’il ne tarda pas à abandonner avec le bourg qui l’entourait, dans un geste de pieuse munificence à l’abbaye Saint-Cyprien de Poitiers, laquelle y envoya des moines qui y fondèrent à leur tour un prieuré de l’ordre de Saint-Benoist, sous le vocable de Saint-Cyprien , d’où le nom imprimé désormais à cette partie du territoire Bressuirais. doc-75.jpg

Or, c’est dans cet acte de donation de l’année 1028 qu’il est fait pour la première fois une discrète allusion au château de Bressuire, dont on connaît dès lors l’existence certaine dès cette date.
Ainsi pour connaître Bressuire, cité d’origine féodale, il faut passer par son château ; mais pour connaître celui-ci, il faut passer pour autant dire sous l’antique arcade romane de Saint-Cyprien, à tel point qu’on puisse conclure que « le livre de l’histoire de Bressuire s’ouvre ainsi au chapitre de Saint-Cyprien.

Le prieuré Saint-Cyprien de Bressuire

La petite communauté monastique de Saint-Cyprien de Bressuire de l’ordre de Saint Benoist, persista jusqu’à la révolution, c’est ainsi que se clôt avec la grande tourmente, la liste des Prieurs, dont les noms figurent fréquemment en bonne et due place, parmi les assemblées de notables, ou au bas des actes importants intéressant la vie de la baronnie.
doc-50.jpgLe fait marquant entre tous de l’histoire du prieuré de Saint-Cyprien, est le passage en ses murs, d’un célèbre archevêque en passe de devenir Pape, puisque aussi bien il s’agit de Bertrand de Got archevêque. de Bordeaux qui devait bientôt coiffer la tiare pontificale, sous le nom de Clément V.
« Du vivant du Seigneur Thibaud IV de Beaumont, l’Archevêque. de Bordeaux qui visitait depuis le 17 mai 1304, les paroisses et abbayes de son immense province, passa à Bressuire, où il Séjourna deux jours.
Il revenait alors du Bas Poitou, par Mauléon, Mallièvre et Saint-Clémentin. Le 26 mai 1305, il arrivait au prieuré de Saint-Cyprien de Bressuire, où après avoir exercé son droit de visite, il couchait avec toute sa suite. Le lendemain 27, jour de l’Ascension, le prélat alla célébrer la grand messe au prieuré de Notre-Dame, il y prêcha et donna le sacrement de confirmation ; puis il passa de nouveau la nuit à Saint-Cyprien, pour se diriger ensuite sur Thouars. Peu de jours après, le 5 juin 1305, le choix du conclave de Pérouse, l’élevait à la dignité de Souverain Pontife, qu’il accepta sous le nom de Clément V. »
Si l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers dont relevait le prieuré de Bressuire, sombra corps et biens dans la tourmente révolutionnaire, plus heureux que la maison mère, le prieuré de Bressuire conserve encore le noble vestige de son antique. chapelle fort intéressante en elle-même, cependant qu’elle concrétise pour nous, tous les souvenirs historiques que nous venons d’évoquer, aussi avons-nous déployé de vigilants efforts pour la sauver de l’abandon et de la ruine. Que ceux qui ont l’ amour de l’art et le respect du passé nous entendent.

La chapelle Prieurale

L’antique église Saint-Cyprien existait dès le Xème siècle avant l’arrivée des moines, qui la rebâtirent en partie et l’embellirent au XIIIème, sans doute au début de ce même siècle.

La crypte

Leur effort se porta sur l’abside encore subsistante aujourd’hui. Cette abside circulaire d’un beau roman primitif, d’une belle et sobre élégance, s’élève en moyen appareil assez irrégulier, au dessus d’une crypte vraiment remarquable, bâtie à même le roc, et dont les voûtes en arc à peine brisé, retombent avec légèreté sur un unique pilier central.

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Citons ici la description faite de cette crypte par l’éminent professeur de la faculté des Lettres de Poitiers, M.Crozet, dans son remarquable ouvrage sur « L’Art Roman en Poitou » : « La crypte sous l’abside formait une salle ronde ; au milieu, une colonne surmontée d’un chapiteau sans astragale, à tailloir hexagonal, sert de point d’appui à six arcs surbaissés ou légèrement brisés, délimitant six voûtains presque plats Les arcs pénètrent dans le mur sans encorbellement. Du fait de la forte dénivellation du sol, la crypte accessible de l’extérieur, était éclairée ».
Il y a néanmoins tout lieu de penser que cet accès direct de l’extérieur au moyen de deux ouvertures de la plus prosaïque banalité, fut pratiqué depuis la désaffectation de l’édifice, pour cette considération utilitaire que la vénérable crypte romane fut alors transformée en une double cave.
Notons que l’on accédait jadis à crypte de l’intérieur même de l’église au moyen d’un couloir souterrain récemment dégagé.
Cette crypte dont la sombre intimité, faiblement éclairée par des jours de souffrance, rappelle le christianisme naissant des catacombes, était autrefois ornée d’une fresque maintenant à peu près effacée, mais dont le relevé fidèle existe heureusement dans son attachant et naïf attrait de primitif.
« Elle représentait un grand Christ à la barbe et aux cheveux couleur d’ocre rouge, cadavre « résurectionné » aux côtes saillantes, couvert en partie d’une draperie jaunâtre et bistrée. À la droite du Fils de Dieu, apparaissait dans l’effacement des tons éticlés, la figure d »une sainte en prière »

L’abside

L’abside de l’église, couronnée d’une corniche à modillons naïvement sculptés, est recouverte d’un humble toit de tuiles courbes du pays, fort peu élevé. Le chœur de l’église, prend jour au dehors par cinq fenêtres perçant l’abside. Celle du fond, au centre, plus large que celles des côtés s’arrondit en plein cintre, tandis que les ouvertures latérales s’étirent en hauteur comme les meurtrières des anciennes églises fortifiées, ce qui donne un cachet spécial et très archaïque. Survivances de l’époque préromane, ces fenêtres étirées s’ouvrent dans le plat du mur, sans ébrasement extérieur, cependant que l’une d’elle – au midi – est surmontée d’une dalle évidée, servant de linteau, avec contour extérieur également en demi-cercle, pratique courante à la dite époque préromane, qui en se maintenant permet la dispense de la taille des claveaux.
Notons ici l’intérêt spécial de Saint-Cyprien au point de vue de la répartition des particularités archéologiques régionales : alors que cette pratique est surtout répandue dans les parties calcaires de la région, au cœur du Haut-Poitou, aux confins de la Touraine et du Berry, de l’Angoumois, de la Saintonge et de l’Aunis, les pays granitiques de la Gâtine et du Bocage n’en possèdent guère d’exemple, sauf précisément Saint-Cyprien de Bressuire, le prieuré de la Poraire de Chiché, Talmont et Saint-Nicolas de Brem.
Le chœur de l’église était voûté en cul de four, au contraire de la nef qui vraisemblablement ne le fut jamais, et qui ne parait pas non plus avoir été rebâtie par les moines, aussi daterait-elle de la primitive église ainsi que semble en faire foi l’aspect du mur nord, bâti en petit appareil, et percé de deux étroites fenêtres, d’une exiguïté charmante, sans ébrasement extérieur, caractéristique de l’époque pré-romane.

Façade Occidentale

L’entrée principale de l’église se situait au couchant, où une assez large porte romane très simplement ornée de boudins existe toujours, encore que fort défigurée, mais facile à reconstituer dans son aspect authentique et primitif ; elle est toujours surmontée d’une étroite fenêtre étirée en hauteur, dans le style de celle du chœur.
Entre le chœur et la nef, supporté par un grand arc – toujours existant – un simple campanile surmonté d’une petite croix de granit « découpait sur le ciel sa double arcade ajourée, abritant sous ses cintres les cloches apparentes ». Aujourd’hui le campanile n’existe plus, mais son image nous a été conservée par une vieille gravure, reproduite également par nos soins en carte postale des Amis du Vieux Bressuire.

L’Intérieur de l’église

L’intérieur de l’église possède encore une peinture murale assez bien conservée à la. différence de la fresque de la crypte.
Cette peinture murale d’aspect archaïque tant par la. gamme restreinte de ses teintes – ocre rouge ocre jaune, brun, noir – que par le caractère primitif de son dessin, représente un évêque ou un abbé, avec sa. mitre et sa. crosse, la. main droite gantée, s’élevant dans un geste bénissant. Des traces de peinture ici et là, plus ou moins apparentes sur les murs font présumer que l’église avait due recevoir des artistes d’antan.
Du point de vue archéologique, elle mérite d’être sauvée de la ruine, grâce à. la protection agissante des Beaux-Arts, que nous n’avons pas négligé du reste de solliciter. Jusqu’à. présent, la vieille église est simplement inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, depuis 1937, à. la suite d’une requête suivie d’effet de Madame la Vice-Présidente de « La Sauvegarde de l’Art Français », Marquise de Maillé. Nous poursuivons maintenant de nos vœux et nos démarches de classement en bonne et due forme du vieux et vénérable édifice, et nous voulons garder le ferme espoir que nos efforts ne seront pas déçus.
Du point de vue panoramique et touristique, l’antique chapelle de Saint-Cyprien est située dans l’un des coins les plus typiques et les plus attachants du Vieux Bressuire. Faisant pendant à la masse altière du vieux château-fort, qui le domine de l’autre côté de la rivière, Saint- Cyprien est un pan de ce tableau équilibré, qui perdrait son heureuse unité s’il venait jamais à. disparaître.
En 1946, la chapelle fut mise en vente en même temps qu’un lot d’immeubles, ce qui ne manqua. pas d’éveiller l’attention des « Amis du. Vieux Bressuire », qui avisèrent au moyen de faire rentrer le vénérable vestige de notre plus lointain passé, dans le patrimoine Commun, soit dans le domaine Communal.
C’est ainsi qu’au cours de l’année 1948, les « Amis du Vieux Bressuire », ouvrirent une souscription auprès du public Bressuirais, qui par sa compréhension montra ainsi l’intérêt qu’il portait à la sauvegarde de ce monument.
C’est alors que la Société proposa à la Municipalité de devenir elle-même propriétaire de cette chapelle historique en apportant le complément de la somme recueillie par souscription afin de parfaire l’achat. Le Conseil municipal donna. une suite favorable à ce projet, et à la date du 7 novembre 1949, la ville acquérait cette chapelle avec l’intention suggérée par la Société des « Amis du Vieux Bressuire » de la transformer en musée lapidaire dès que les baux qui s’exerçaient encore tant sur sa partie supérieure que sur la crypte auraient cessé d’exister.

Raymond Garand (Documents d’archives de « Histoire et Patrimoine du Bressuirais »)