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Un arbre remarquable

Depuis une vingtaine d’années, l’engouement pour les arbres centenaires se développe. Des expositions, des concours poussent les particuliers, les associations à rechercher, inventorier, préserver ces arbres dits « remarquables ». Ils sont plus qu’un simple végétal et ne sont pas là par hasard. S’ils ont traversé des siècles sans être coupés, c’est qu’ils sont source de mémoire, et c’est pour cette raison que nous devons nous y intéresser.
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Autrefois dans un coin de la cour de l’ancienne poste, rue de la Vergne (aujourd’hui au milieu du parking de la place des Jumelages), un vieil if étend son ombrage. Rescapé d’un square qui a aujourd’hui disparu, il a vu s’édifier au début des années 60, face à lui, un immeuble à l’architecture rigide : la Poste de Bressuire. Si au milieu du bétonnage et du goudronnage cet arbre a été épargné et préservé, c’est qu’on lui reconnaissait une valeur identitaire aux caractères spécifiques.

D’abord, il s’agit d’un if ; un if commun, (taxus baccata). Cette espèce se caractérise par sa très longue longévité et une des croissances les plus lentes du monde végétal. Arbre dangereux, il est aussi plein de ressources. Toutes ses parties sont toxiques pour l’homme et les animaux. Seules la cupule rouge de ses baies (arilles) est comestible. Son bois par contre a toujours été très recherché, utilisé au Moyen-Age pour faire des arcs et aujourd’hui pour l’ébénisterie. La pharmacie en extrait des substances actives contre les cancers.

Autrefois, on plantait des ifs dans les cimetières ou près des églises. C’est un arbre funéraire comme le cyprès. Son feuillage sempervirent symbolise l’espérance d’une vie éternelle et il n’est pas rare de trouver une tombe dans son réseau racinaire.

Le terrain sur lequel a poussé l’if de Bressuire appartenait au jardin de l’hôtel Barante , ancien hôtel des Durant de la Pastellière, dont deux de ses membres ont été Maire de Bressuire au XVIIIe siècle. En général, dans les parcs, privés ou publics, les séquoias ou les cèdres étaient préférés à l’if pour leur croissance plus rapide. Pourquoi un arbre des cimetières dans ce lieu ? Les propriétaires y attachaient-ils un symbole. ? L’If est l’arbre mythique dédié à Hécate et à Orphée. C’est aussi l’arbre attribué aux savants, médecins et hommes de lois dont St Yves (if en celtique)est devenu le patron.

Par ailleurs, cet if constitue par son surnom une curiosité endrologique : il est « l’arbre du millénaire ». Pour l’instant, nous n’avons trouvé aucun texte pour nous renseigner sur l’âge de sa plantation. Sachant qu’il mesure 4 m de circonférence et d’après un doc-183.jpg mode de calcul proposé par une étude publiée dans « le Patrimoine Normand » (n° 1 – Bayeux – 1995), cet arbre aurait environ 500 ans !

Si ce calcul est fondé, il aurait été planté au XVIe siècle, au début de la renaissance, ce qui correspond également à l’époque de la construction de l’hôtel des Durant de la Pastellière. Il aurait assisté à l’arrivée des Laval-Montmorency dans leur seigneurie de Bressuire. Il aurait grandi en même temps que le clocher de Notre Dame. Il serait donc contemporain de l’apogée du centre potier de Saint-Porchaire. Enfin, de 1562 à 1568, dans sa jeunesse, il aurait été témoin des combats sanglants entre les tenants de la Religion prétendue réformée et les partisans de la Ligue catholique.

En fait, pour connaître avec exactitude l’âge de cet arbre, il existe deux méthodes. Ou bien faire effectuer un prélèvement dans le tronc à l’aide d’une tarière, pour en extraire une « carotte » puis l’analyser, ou bien attendre qu’il meurt pour compter les cernes de croissance de son tronc. Mais peut-on souhaiter la mort d’un arbre si monumental !

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Cet if qui peut apparaître banal aux yeux de certains s’enracine dans notre histoire par son âge, sa taille, les souvenirs qui lui sont attachés. Ce « géant » fait partie de notre patrimoine au même titre que notre château, nos églises, et mérite d’être protégé. Un dicton populaire prétend même que « celui qui abat un if risque fort de mourir dans l’année ».