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Bulletin N°72 – 2015

« Jean Gallard, Soldat, meunier et paysan du bocage »

Quand l’histoire familiale se télescope avec histoire nationale.

Les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale ont donné lieu, à Bressuire comme partout en France, à un programme de manifestations diverses.

La précédente Revue d’Histoire du Pays Bressuirais a présenté Bressuire et Friedberg en 1914, au moment où les deux petites cités – aujourd’hui jumelées mais ennemies il y a cent ans entraient dans cette guerre que tout le monde voulait et croyait de courte durée. L’Union sacrée prévalait en France pour effacer la défaite de 1870. En cet été 14, les hommes partaient combattre loin de chez eux, dans un réflexe patriotique quasiment unanime.
Rapidement, en même temps qu’arrivaient les noms des premiers morts aux champs d’honneur, les familles recevaient les premiers courriers des soldats auxquels elles se sont empressées de répondre. Des dizaines de millions de missives vont être ainsi échangées entre l’arrière et le front, pendant toute la durée du conflit, dans un extraordinaire ballet épistolaire que La Poste aux armées va devoir gérer au mieux.

Cent ans après, de nombreuses familles gardent pieusement les quelques lettres qui ont pu être sauvées des vicissitudes du temps. A Boismé, Jean Gallard, meunier et paysan, a quitté sa famille et sa jeune épouse Augustine, début août 1914 pour rejoindre son unité et le front, en Lorraine. Ils ne vont cesser de s’écrire quotidiennement pendant toute la guerre et les lettres reçues par la jeune femme plus de 800 conservées ! ont traversé le XXe siècle, rangées dans une boite à chaussures.

Confiées à Dominique Lenne par les descendants d’Augustine, elles constituent « une source majeure pour comprendre de quelle façon les couples expérimentent, s’accommodent ou souffrent de la guerre .» Ainsi, plutôt que de publier ces lettres in extenso, l’auteure a préféré dégager de leur lecture des thèmes récurrents. Bien sûr, la guerre et son cortège de souffrances, d’attente, d’ennui, de haine et de colère aussi, apparaissent constamment sous la mine de crayon de Jean Gallard. Mais, les problèmes de l’arrière prennent une place tout aussi importante. Du front, Jean a toujours un œil sur son moulin et ses terres et la vie familiale se dévoile dans les échanges du jeune couple séparé.

A travers ces centaines de lettres reçues par Augustine, Dominique Lenne n’a pas seulement dépeint la guerre vécue par Jean Gallard mais elle a pu observer « la mise en place d’une nouvelle organisation conjugale fondée sur l’éloignement et sur la construction de liens dans l’absence . »